CHEF ET RECETTES
Giuseppe Costantino
Donne-moi à manger des produits du pays, réinventés, oui, mais avec des saveurs vraies, sans altérations.
Une passion découverte par hasard, devenue un travail grâce au restaurant de ses parents, et puis un « rôle » dans son restaurant Terrazza Costantino: Giuseppe Costantino n’aime pas se définir chef mais cuisinier, non seulement parce que parfois on use et abuse du terme dans les mauvais contextes, mais aussi pour des raisons d’honnêteté face à sa cuisine.
Pas chef mais cuisiner, pourquoi?
«À part le mot dont on use et abuse désormais, tout le monde est chef et personne n’est cuisinier, donc personne ne cuisine plus. À part ceux de la TV qui ont attesté le faire, le problème se pose pour celui qui n’est pas vraiment chef. Je suis cuisinier parce que je cuisine réellement, le chef est celui qui dirige uniquement. Moi qu’est-ce-que je dois diriger? Si moi je ne cuisine pas, qui cuisine? Automatiquement je suis un cuisinier».
Comment es-tu devenu cuisinier et comment est née ta passion pour la cuisine?
«Initialement, je ne voulais pas faire ce travail, depuis l’adolescence j’étais parti pour faire complètement autre chose mais mes parents ont ouvert ce restaurant, et lentement mais sûrement, la passion est née. Si tu nais en Italie, tu as la chance d’avoir une passion pour le beau, tu cherches donc toujours à t’améliorer, tu cherches à travailler dans des endroits où tu peux t’améliorer et où tu peux faire une expérience qui ait un sens. J’ai fait des expériences dans différents restaurants en Ligurie, en particulier à Imperia et à Noli, au Piémont à Alba et puis en Sicile. J’ai passé trois ans en Ligurie, un an dans le Piémont et puis je suis rentré. En mars 2016, nous avons ouvert Terrazza Costantino».
Entrons dans ta cuisine: qu’est-ce qui ne doit jamais manquer?
«L’huide d’olive. Je ne pourrais pas faire sans; pour un sicilien, je pense que c’est normal et il est facile de s’en procurer».
Que penses-tu de la phrase « La cuisine gourmet doit être accessible à tous »?
«C’est vrai, absolument. À part l’abus du mot gourmet. Le plus beau compliment qu’on m’ait fait de mes services a été « Regarde, j’ai vraiment fait un voyage dans le pays« . Je nous définirais comme un bistrot et non un restaurant, mais je ne peux pas le faire, sinon cela affecterait les gens. Terrazza Costantino est un bistrot de luxe, dans le sens où nous dressons nos plats, nous avons un service de haut niveau, mais nous sommes un bistrot. En général, la cuisine d’aujourd’hui est inaccessible à la plupart. Le restaurant est devenu une dépense que tous ne peuvent pas se permettre. Nous cherchons à garantir un produit adapté à tous».
Quels sont les produits ou spécialités les plus appréciées des touristes? La restauration italienne dans le monde est désormais une copie non originale. Quand ils goûtent réellement les produits du pays, quelle réaction vois-tu? Qu’est-ce qui les frappe le plus?
«Il faut prendre en compte le fait que les européens sont différents entre eux, l’anglais a des goûts très différents du français, qui a déjà une culture de la nourriture et mange tout ce que tu lui proposes. Alors que si tu prends les touristes nord européens, ils sont habitués à un autre type d’alimentation, certains goûts qui pour nous sont normaux comme le poisson bleu, pour eux sont trop forts. L’américain est habitué à des saveurs plus légères, plus délicates. Donc ce sont les clients les plus difficiles, par rapport à l’espagnol ou le français».
Si tu devais choisir, quel serais ton plat préféré à cuisiner? Comme lorsqu’un client arrive et dit « Je laisse faire le chef ».
«À coup sûr, un plat de résistance, peut-être un plat de viande, un cochon de lait, une panse de cochon plutôt qu’un scottone alla ragusana. J’aime tout faire mais assurément un plat de résistance, parce que c’est celui qui te laisse le plus de liberté en terme de dressage par rapport aux pâtes. Plat de résistance, hors d’œuvre et desserts sont ceux qui te permettent de faire ressortir ta créativité. La pâtisserie toutefois est un art à part: je la suis, mais le pâtissier cuisine. C’est une discipline à part dans la cuisine, comme en France où il y a une distinction: il y a le chef cuisinier et le chef pâtissier, deux rôles bien distincts.».
Quels sont les trois qualités que tout cuisinier devrait avoir pour bien faire son travail?
«L’humilité avant tout. Une bonne dose d’expérience bien sûr, parce que si tu veux faire un type de restauration d’excellence, tu dois avoir une formation qui te permet d’interprêter les recettes par exemple. Et puis être généreux, tu dois transmettre ton savoir à tes collaborateurs.».
Une cuisine simple, mais bien étudiée, où règne la règle du produit local, de saison et de qualité, celui qui contient en lui les arômes et l’âme d’un pays comme Sciafani, de l’entreterre sicilien, parce que, pour citer les mots du cuisinier Giuseppe Costantino: Donne-moi à manger des produits locaux, réimaginés, oui, mais avec des saveurs vraies, sans altérations ». Aujourd’hui, le client veut savoir ce qu’il mange. Quel morceau de viande, ce doit être de la viande. Tu vas choisir la meilleure matière première, mais le plat doit être celui.