CHEF ET RECETTES
Fabio Natoli
Pour Fabio Natoli, cuisiner signifie «innover» mais avec un impératif catégorique: utiliser nos produits siciliens.
Fabio Natoli a hérité de sa grand-mère sa passion pour la cuisine, un bagage «culturel» qui le suit, basé sur des saveurs simples mais bonnes, celles de sa terre, la Sicile. Grâce à cette passion, il a couvert tous les postes dans une cuisine, jusqu’à devenir aujourd’hui, avec son père, le chef de son propre restaurant, Le Chat Noir, à Cefalù.
Remontons dans le temps, d’où vient ta passion pour la cuisine?
«Un classique comme pour presque tous les chefs: « de ma grand-mère ». En été j’allais en vacances à Buccheri , où il est de tradition, dans presque toutes les familles, de faire le concentré tomate ainsi que toutes les conserves de saison. Et là, en regardant toutes ces femmes travailler ces produits, m’est venu la curiosité et la passion pour la gastronomie».
Donc, la passion est née de la famille. Puis, lentement, tu as commencé à penser à la cuisine comme à un vrai travail…
«Oui, à partir de là, lentement j’ai continué, d’abord en salle, puis en 2009, j’ai déménagé à Bâle, et là, ma carrière dans la cuisine a démarré. J’ai commencé à travailler auprès de Alessio Coretta, l’un des pizzaiolo les plus talentueux de Suisse. Malgré des erreurs et les difficultés du métier, il est parvenu à me transmettre toute la passion pour travailler la pizza».
Qu’est-ce qui t’a fait revenir en Sicile?
«Dans ce restaurant, à Bâle, en plus de la pizza, nous proposions des plats à base de pâtes congelées et de sauce de qualité inférieure. Après deux ans, j’ai décidé de revenir justement à cause de cela, et de donner un coup de main en cuisine, avec mon père. J’ai commencé avec les hors-d’œuvre, j’ai du faire mes preuves, aussi parce que je ne savais même pas comment utiliser un couteau. Je suis parti de tout en bas, j’ai travaillé dur, il y a encore un long chemin à parcourir mais j’ai récupéré le temps perdu. J’ai alors fréquenté l’école Alma de Parme, capitale mondiale de la gastronomie, l’une des meilleures écoles du monde avec des chefs internationaux. Je recherchais une forte motivation pour améliorer ma préparation professionnelle. J’ai appris le professionnalisme et la rigueur. Une véritable école « militaire » qui m’a aussi appris ce que signifie faire équipe. En cuisine je suis le chef, je suis le responsable de chaque membre de l’équipe, mais c’est l’équipe qui fait le succès d’un restaurant: chacun a ses propres rôles, mais l’équipe fait la force».
Qu’est-ce que l’on ne trouve pas dans ta cuisine, et qu’est-ce qui est indispensable?
«Pas de beurre ni de crème. J’utilise du beurre exclusivement pour les crêpes, je pourrais les préparer avec de l’huile mais j’ai du respect pour les français. En dehors de cette exception, ces deux produits sont interdits dans ma cuisine. En revanche il ne doit pas manquer les matières premières de nos régions: anchois, sardines fraîches, poisson frais. Nous avons un accord avec Nassa Pescaturismo, qui me propose quotidiennement la pêche du jour. J’ai besoin de ça, je ne travaille pas le congelé, il n’y a pas de sensation. Si vous venez ici en Sicile, vous devez goûter nos produits. La viande n’est pas notre fort, mais à Cefalù il y a du poisson!».
À l’école Alma, tu as eu l’occasion de te confronter à divers collègues provenant de différents horizons. Fort de cette expérience, à ton avis, dans quelle direction va la gastronomie?
«Nous revenons en arrière, mais dans le sens positif du terme: nous utilisons des matières premières, nous essayons de moins travailler les produits. On revient au plat simple, aussi parce que trop d’élaboration n’est pas bon».
Maintenant, une curiosité: le couteau est un point capital pour tout chef, généralement chaque chef a son propre couteau. Qu’elle est ton rapport avec les couteaux?
«J’ai forcé ma brigade à acheter ses propres couteaux, c’est essentiel et il doit y avoir une jalousie maniaque. Ils ne se prêtent à personne, on ne les fait laver à personne, si le chef te demande de laver son propre couteau, cela doit être interprété comme un signe d’estime».
Tu es en cuisine avec ton père, comment conciliez-vous le rapport père-fils aux fourneaux?
«Au retour d’Alma, il y a eu des conflits sur le concept d’innovation, sur les techniques et les coupes. Maintenant, nous avons trouvé un équilibre: avec son expérience et mes idées, nous avons trouvé une union parfaite. Le matin il me dit « J’ai cette idée, tu me la produis? » Et moi je la produis, ou vice versa. Les chefs à l’ancienne ont du mal à changer d’avis, mais avec mon père j’y suis parvenu».
Ton plat préféré, celui que tu aimes cuisiner et proposer au client qui te laisse le choix..
«Il y a plusieurs plats. La paupiette d’espadon, version revisitée, avec caciotta ragusana, aubergines … et d’autres ingrédients secrets! Bien que je ne sois pas un fou de l’espadon, j’adore ce plat et je ne suis pas le seul. Comme entrée, la « Buccherese » au pâté, de la province de Buccheri, produit par mon cousin, qui a remporté la coupe du monde d’huile d’olive extra vierge en 2015, 2016 et 2017. Un bouchée et c’est comme si je redevenais enfant, de vraies saveurs, celles de la maison».
Restaurant
« Rouleau d’espadon. La critique de Chef Fabio Natoli au Chat Noir »